L'HISTOIRE DE "LA DESCENTE DE LA POINTE"

Publié le par Franck NICOLON

Pour un élu local, le silence est de règle sur la façon dont certains projets se construisent même s'il y aurait beaucoup à dire. Seulement, le "politiquement correct" impose qu'on ne laisse pas paraître les différends, voire les lobbys utilisés pour arriver à des fins parfois plus ou moins proches de l'intérêt général. Imaginez que les citoyens soient informés des pressions de certains élus, chefs d'entreprises ou grands commis de l'Etat, où irait le monde ? Surtout, la collectivité concernée qui révélerait des tractations plus ou moins imposées serait immédiatement "punie" et verrait fondre comme neige au soleil les demandes de subventions ou les soutiens politiques indispensables à la réalisations d'équipements d'intérêt général.

Je ne serai donc pas celui qui révèlera les dessous de tel ou tel dossier car je sais que ce sont les Clissonnais qui en pâtiraient au final, par l'empêchement de la réalisation d'équipements publics.

 

Les légendes et les mondes imaginaires relatent parfois des  histoires qui s'inscrivent dans la mémoire collective. Ces contes sont parfois riches d'enseignements. Il se trouve qu'on m'en a rapporté un qui me paraît de circonstance, l'histoire de "la Descente de la Pointe".

 

 

Cette histoire se déroule en un tout autre temps, dans une ville imaginaire, une aventure qui, bien entendu, ne peut avoir aucun rapport avec quelque fait réel que ce soit.

 

Cette ville, charmante et conviviale, où la douceur de vivre en façonnait le charme, n'était pas peu fière de son histoire, de son patrimoine et de l'environnement privilégié dont bénéficiaient nombre de ses habitants.

 

Le nouveau conseil de la Ville restaurait et améliorait ce patrimoine, année après année. Il en profitait pour  rendre possible la circulation des piétons, réglementer le stationnement et la vitesse des chars -et rendre plus belles les promenades au pied des monuments, des rivières et des parcs qui composaient le paysage si particulier de cette belle ville.

 

Pourtant, les rues, étroites, étaient envahies par les chars, beaucoup trop utilisés par les habitants et les visiteurs. Le stationnement devenait dangereux et les soldats du bailli avaient fort à faire pour calmer certains conducteurs, furieux d'être contraints à stationner sans danger pour les autres, et donc à marcher. Car dans ce pays, bien sûr imaginaire, les chars avaient la faculté de transformer le cerveau de leurs propriétaires et d'effacer leur capacité à se déplacer à pied. On voyait ainsi des malheureux n'avoir d'autre choix que venir se garer directement devant l'échoppe où ils devaient se rendre. Un vrai cauchemar, heureusement tellement éloigné de notre réalité !

 

Le conseil de la ville, conscient de ce drame social, décida de prendre le problème à bras le corps et de ne pas laisser sombrer les habitants dans une maladie imaginaire. Il aménagea des chemins et des pistes pour les piétons, des places de stationnement obligatoires et rétrécit, supprima une partie des voies utilisées par les chars. Près des monuments, les chemins se faisaient plus beaux, mettant en valeur les sites traversés, l'air devenait respirable. La grande majorité des habitants et des visiteurs s'accordaient à dire l'intérêt pour tous, de tels aménagements. Peu à peu, la ville se désintoxicait du char.

 

Une année, le conseil décida ainsi d'aménager le site de "la Descente de la Pointe". Ce superbe lieu, entre cours d'eau, prairies et monuments, au coeur de la ville était stratégique. En effet, la Descente de la Pointe permettait de relier deux parties de la ville par un souterrain passant sous l'une des rivières, monument classé pour la beauté de ses stalagtites. Comme cette descente contournait une falaise ayant toujours servi aux oiseaux de proie à chasser, à pointer leur proie avant de fondre sur elle, la falaise était également classée et avait donné son nom à la descente.

Dans ce pays et cette époque imaginaires, de nombreuses officines devaient donner leur accord pour tout projet d'aménagement passant au pied de sites protégés. Il y avait tout d'abord l'Architecte du Roi, capable d'émettre un avis tellement éclairé que l'on pouvait se passer d'allumer lanternes quand il était dans la ville.

Il y avait ensuite le Chef du Patrimoine en mesure de conserver tout ce qu'il touchait.

Des personnages incontournables donc, qu'il fallait associer dès le départ du projet pour être sûr de le voir aboutir dans les meilleures conditions pour tous.

 

Pourtant, le conseil de la ville décida d'associer d'abord les riverains, premiers intéressés. Il les réunit, leur demanda maintes fois leur avis, les consulta et modifia son projet en prenant en compte ce qui s'était énoncé. Prendre en compte ne signifie pas tout accepter, et surtout pas le stationnement sauvage des chars autour des échoppes, nombreuses dans la Descente de la Pointe. Le conseil décida donc de ranger quelques chars au pied de la falaise, site classé rappelons-le.

Quelques riverains, devant chez qui les chars devaient s'installer, prirent peur et dénoncèrent un projet visant à mettre en danger la falaise classée. Drôle d'histoire : quelques riverains, d'autant plus privilégiés qu'ils vivaient au bord de l'une des belles rivières traversant la ville, expliquaient que quelques chars et de nombreux piétons venaient mettre en danger des rochers vieux de milliers d'années.

 

Le conseil de la ville décida donc de prendre conseil auprès de l'Architecte du Roi et du Chef du Patrimoine. Tous deux vinrent deux fois sur place, donnèrent leurs recommandations et approuvèrent le projet d'aménagement.

Enouragé par cet avis hautement qualifié et indépendant, le conseil continua son travail dans le même sens.

 

C'était compter sans le représentant du PPMU, le Parti pour un Prince Majuscule et Universel, au pouvoir dans ce pays imaginaire, je le rappelle. Frais émoulu du PPMU, le jeune représentant rêvait de grimper, grimper les échelons visant à la Majuscule Universelle, tellement recherchée. Il vit dans le combat des riverains, l'aubaine pour faire la une des gazettes et grimper, grimper, grimper...la falaise. Comment allait-il s'attaquer à ce projet, construit dans la concertation et l'échange y compris avec ses propres amis ?

 

Peu de temps après, les deux spécialistes du patrimoine classé, l'Architecte du Roi et le Chef du Patrimoine virent arriver un nouveau gouverneur, lui aussi militant du PPMU, tellement capable de gouverner qu'il décidait seul. Miracle, le gouverneur convoqua le conseil de la ville et, contre l'avis de ses ingénieurs, décréta la falaise mise en grand danger par la suppression du stationnement sauvage des chars et par l'arrivée des piétons.

Comme le bailli de la ville voulu maintenir son projet, le gouverneur lui rappella que d'autre projets avaient besoin de son accord et de ses finances...à bon entendeur, salut !

Comme le Chef du Patrimoine se posait des questions, il reçut un courrier du prince, créateur du PPMU, le mettant en demeure de se justifier sur son avis qualifié. Il dut s'incliner.

 Enfin, certaines gazettes proches du PPMU, voyant l'occasion de vendre plus de journaux, se saisirent du minuscule aspect de ce projet concernant la présence de chars au pied de la falaise pour tenter d'en faire de majuscules profits. Ils incitèrent ainsi nombre de lecteurs à oublier le principal intérêt de l'aménagement, la place des piétons, la pureté de l'air et l'arrêt du stationnement sauvage des chars.

Et c'est ainsi que dans ce pays imaginaire, le conseil de cette belle ville, élu par ses habitants, dut s'incliner, contre l'intérêt général, devant un petit chef du PPMU, qui lui, n'était pas élu.

 

Il y a une fin malgré tout heureuse puisque la Descente de la Pointe a pu se réaliser et embellir comme prévu la ville. Et puis, le plus rassurant n'est-il pas qu'il s'agit d'un monde imaginaire, un conte, un récit qui ne pourra pas se reproduire dans notre démocratie ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans International

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P
<br /> Pas mal Franck...<br /> <br /> <br />
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